Huiles essentielles : la puissance des plantes
Huiles essentielles : la puissance des plantes
Dans les boutiques spécialisées ou les pharmacies, les petits flacons s’alignent. Mais qu’est-ce que c’est au juste qu’une huile essentielle ? C’est un mélange de molécules chimiques complexes naturellement présentes dans les végétaux. Une huile essentielle est à la fois odorante et lipophile (lipo = le gras et phile = aimer). Elle se mélange donc parfaitement avec d’autres huiles végétales, comme les huiles d’olive ou d’amande douce, mais pas avec de l’eau.
Les huiles essentielles peuvent être extraites de différentes parties du végétal : la fleur (oranger, camomille, ylang-ylang, géranium…), les feuilles (menthe, eucalyptus, laurier, tea tree...), l’écorce (cannelle,bouleau...) ou le zeste (agrumes). Pour les prélever, deux techniques sont principalement utilisées : la distillation, qui permet l’évaporation de l’eau afin de ne garder que les corps gras, ou le procédé “d’expression”, qui consiste à presser la plante pour en extraire son huile essentielle.
De puissants concentrés
L’usage des plantes à des fins médicinales est connu depuis des millénaires, à travers l’aromathérapie, pratique dédiée aux huiles essentielles, ou la phytothérapie, un usage plus global des plantes à travers leurs feuilles, racines, bulbes ou encore les huiles végétales.
La différence fondamentale entre l’aromathérapie et la phytothérapie est la concentration en principes actifs. En phytothérapie, on peut se permettre d’être généreux, avec une cuillère à soupe d’huile végétale par-ci ou une poignée de feuilles à infuser par-là ! À l’inverse, les huiles essentielles sont très puissantes et doivent être utilisées avec précision (on compte chaque goutte) et rigueur (on respecte les recommandations). Par exemple, pour obtenir 10ml d’huile essentielle de menthe poivrée, il faut près d’1kg de feuilles.
Les huiles essentielles peuvent soulager de nombreux maux : les périodes de stress avec l’huile essentielle de camomille romaine connue pour ses propriétés sédatives, les douleurs musculaires et les rhumatismes avec l’huile essentielle de camphre, les douleurs dentaires avec l’huile essentielle de lavande aspic grâce à ses propriétés antalgiques et antiseptiques etc. Certaines, comme l’huile essentielle d’Eucalyptus citronné (Eucalyptus citriodora), sont même efficaces contre des bactéries résistantes aux antibiotiques, dont le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus) et la bacille Pseudomonas aeruginosa, qui sont responsables d’infection des plaies et du système respiratoire. Les huiles essentielles ont également fait leur preuve pour combattre les virus responsables des pathologies respiratoires telle que l’huile essentielle de Thym à thymol (Thymus vulgaris L. CT Thymol) qui permet de soigner les bronchites et les angines.
Attention aux risques !
Mais alors... Pourquoi ne sont-elles pas utilisées partout et tout le temps, notamment dans les hôpitaux pour lutter contre ces maladies nosocomiales ? Le premier frein est leur coût. L’extraction des huiles essentielles est très onéreuse. De plus, il est quasiment impossible de les synthétiser en laboratoire, tant la météo, le climat et la nature du sol ont un rôle décisif dans la nature et la qualité des huiles essentielles.
Le second frein est qu’elles présentent de trop nombreuses contre-indications pour être utilisées parmi la population générale. Les enfants de moins de 7 ans, les femmes enceintes et allaitantes, les personnes âgées, les personnes asthmatiques et les personnes épileptiques ne doivent pas utiliser d’huiles essentielles sans être accompagnées d’un professionnel qualifié.
Ne pourrait-on pas juste bannir les huiles essentielles présentant des risques ? C’est là toute la difficulté : toutes les huiles essentielles présentent des avantages et des inconvénients. Prenons quelques exemples, avec des huiles essentielles fréquemment utilisées.
La menthe poivrée (Mentha piperita)
Efficace en ingestion contre les troubles digestifs (anti-nauséeux, antispasmodique…), en application cutanée sur les bleus et en inhalation pour lutter contre les affections respiratoires (bronchites, rhumes…), elle est malheureusement très toxique pour les bébés, qui font pourtant de fréquentes bronchiolites, et chez les personnes âgées. Elle peut causer des convulsions et même entraîner des effets néfastes sur le cerveau. Elle est neurotoxique. Ainsi en cas de maux de tête, l’application recommandée est 1 seule goutte répartie sur les 2 tempes, à la racine des cheveux, afin d’éviter tout contact avec les yeux, car c’est également un puissant irritant oculaire.
Les huiles essentielles d’agrumes : citron, orange et bergamote...
Appréciées pour leurs odeurs rafraîchissantes et apaisantes, elles sont très utilisées dans le secteur de la parfumerie et la cosmétique. Pourtant elles sont toutes photosensibilisantes. Cela signifie que la peau sur laquelle est appliquée un produit contenant une huile essentielle d’agrumes va réagir avec les UV du soleil et induire des rougeurs, voire des plaques urticantes jusqu’à de potentielles brûlures.
L’huile essentielle d’arbre à thé (Tea tree - Melaleuca alternifolia)
Recommandée contre l’acné de l’adulte et les problèmes de peau, cette huile essentielle est suspectée de mimer l’action de l’hormone féminine, l'œstrogène. Elle pourrait donc agir comme un perturbateur endocrinien. L’alerte a été donnée en 2018, lors du congrès annuel de la Société Américaine d’Endocrinologie, où des cas d’adolescents présentant un développement mammaire (gynécomastie masculine) avaient été signalés. Le développement mammaire anormal a été directement corrélé à l’usage de produits cosmétiques contenant de l’huile essentielle d’arbre à thé, car après l’arrêt total de l’application de ces produits, le développement mammaire a fini par régresser pour totalement disparaitre.
Les bonnes pratiques
Les huiles essentielles peuvent donc être bien utiles… A condition de les utiliser en toute connaissance de cause. Comment en profiter en toute sécurité ? D’abord, à la moindre hésitation, on se rapproche de son pharmacien ou de son médecin ou même des médecins des centres anti-poisons. Il n’y a jamais de question bête !
La rigueur et la précision s'expriment dans le choix de l’huile essentielle. Comment ? D'abord, pas question de lui donner un petit nom : pour les différencier et éviter de se tromper, on regarde toujours le nom latin ! Par exemple, l’huile essentielle d’eucalyptus est beaucoup trop générique, car dans le monde des huiles essentielles, on va trouver :
L’eucalyptus citronné (latin : Eucalyptus citriodora)
L'eucalyptus globuleux (latin : Eucalyptus globulus)
L’eucalyptus mentholé (latin : Eucalyptus dives)
l’eucalyptus radié (latin : Eucalyptus radiata)
Toutes ces huiles essentielles sont différentes, avec leurs spécificités !
On regarde aussi le chémotype, la carte d’identité d’une huile essentielle. Une même plante (même espèce et même genre) ne donnera pas la même huile essentielle selon le climat et le sol où elle pousse. Il se murmure que la menthe poivrée (Mentha Piperita) cultivée en France est la meilleure ! Alors que les États-Unis sont le premier producteur mondial.
En plus, on vous recommande d’être aussi bien au clair avec ces informations :
Les vertus et les contre-indications, notamment avec les populations vulnérables.
Les modes d'administration conseillés et déconseillés (voie orale, voie cutanée directe ou en mélange avec une huile végétale). N’appliquer jamais sur les muqueuses et lavez-vous toujours bien les mains après usage !
La posologie (le nombre de gouttes, la fréquence de prise et la durée).
Autre conseil, comme les huiles essentielles sont de véritables concentrés de principes actifs, évitez de les mélanger entre elles. Pour commencer, privilégiez le mono-usage, une seule huile essentielle à la fois. Dès que vous gagnerez en expérience et en connaissances, vous pourrez explorer la synergie des huiles essentielles. Mais il faudra faire preuve de patience et de pour découvrir cet univers !
Pour en savoir plus sur les particularités des huiles essentielles quelques références à explorer:
Les ouvrages grand public de la pharmacienne Danièle Festy, aux Éditions Le Duc.
Le site de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pour ses articles sur la prévention des risques.
Le site du VIDAL, la base de données sur les médicaments et substances actives.
Pour les plus curieux : les archives ouvertes de publications scientifiques (rédigées en français ou anglais).