Le transport "made in France", une affaire qui ne roule pas vraiment !
Le transport "made in France", une affaire qui ne roule pas vraiment !
[Cet article a été initialement publié dans le guide IDÉES PRATIQUES #4: La transition écologique Made in France, réalisé par ID L'Info Durable.]
En France, la fabrication des moyens de transport est confrontée depuis une vingtaine d’années au problème de la délocalisation. La production tricolore des véhicules a baissé, engendrant des pertes d’emplois dans le secteur et une dépendance vis-à-vis des pays étrangers. L’installation des marques françaises à l’étranger s’accompagne également par des impacts environnementaux et d’impacts sociaux.
Une désindustrialisation lourde de conséquences…
Voitures, bus, trains… La fabrication de ces moyens de transports a été - au début des années 2000 - délocalisée totalement ou en partie à l’étranger. La délocalisation d’usines s’explique par des coûts de production inférieurs et des stratégies d’attractivité des investissements directs étrangers menées par certains pays comme le Maroc via son alliance avec Renault-Nissan en 2007 pour la construction des complexes de fabrication et de montage automobile.
Cependant, cette désindustrialisation pose des problèmes économiques et sociaux, qui ont été plus visibles pendant la crise sanitaire. Dépassée par le Brésil ou l’Espagne, la production tricolore n’arrive plus à retrouver ses performances avec un record établi en 2004, de 3,66 millions de véhicules fabriqués dans les usines nationales, et se retrouve fortement dépendante des pays étrangers. En outre, se pose également l’enjeu de l’impact environnemental issu de l’assemblage et le transport de ces véhicules fabriqués à l’étranger. Sans omettre les impacts sociaux engendrés : la fermeture des usines de fabrication nationales a détruit plus de 100 000 emplois selon COE-Rexecode.
Avec la crise sanitaire, un retour de l’industrialisation automobile française ?
Pour sortir de la crise, le gouvernement français a fait le pari du "made in France", notamment dans l’industrie automobile. Afin de pallier les impacts économiques et sociaux engendrés par la Covid-19, la réindustrialisation fait partie des choix stratégiques pour rebâtir l’économie française.
La réindustrialisation concerne au premier chef le secteur automobile à travers un plan de soutien attribué par l’État à hauteur de 8 milliards d’euros, dont 5 milliards d’euros pour l’entreprise française Renault. En contrepartie, le président de la République, Emmanuel Macron, exige de ces entreprises "une série d’engagements forts qui consistent à relocaliser la production à valeur ajoutée en France et à consolider et maintenir la production industrielle sur nos sites". Paradoxe : comment concilier écologie et économie en favorisant le retour de l’automobile ? Cet encouragement à la relocalisation de l’industrie française tombe dans une période marquée par l’émergence de la mobilité verte comme enjeu important en matière de transport : électrique et hydrogène !
Rappelons que les transports impactent l’environnement et engendrent une pollution liée à "la production, la transformation et l’utilisation des ressources énergétiques", précise l’Agence de la Transition écologique (ADEME). Celle-ci provoque une acidification des sols et des végétaux et les émissions de gaz à effet de serre responsables en partie du réchauffement climatique. De plus, ces modes de transport engendrent directement une pollution atmosphérique. En 2013, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé la pollution de l’air extérieur comme cancérogène pour l’Homme, devenant ainsi un enjeu sanitaire majeur. Cela va également de pair avec la pollution sonore due au trafic routier et au trafic ferroviaire.
Les transports nécessitent également des infrastructures adaptées. Le développement des axes routiers et ferroviaires impacte directement la faune et par extension, les milieux agricoles. En ville, ces réseaux routiers peuvent même poser des problèmes pour les piétons et les cyclistes qui peuvent être confrontés à l’allongement de leurs parcours.
Quid de la transition des transports publics ?
La loi sur la transition énergétique publiée en 2015 prévoit une série de mesures dont l’imposition du renouvellement des "flottes publiques par une proportion minimale de véhicules à faibles émissions". Elle interdit également l’achat de bus à essence ou diesel à partir de 2025. Pour être en phase avec ces objectifs, les agglomérations se sont lancées pour basculer leurs bus et autocars vers des solutions plus propres.
Dans le cas de la métropole parisienne, la RATP s’est fixée en 2019 l’objectif de se doter d’un parc de bus 100 % propres d’ici à 2025. L’entreprise publique avait même annoncé qu’elle privilégierait le "made in France" en commandant jusqu’à 800 bus à Bolloré, Alstom et Heuliez Bus. Cet appel d’offres est d’ailleurs le plus important lancé en Europe pour l’achat de bus électriques.
Le transport ferroviaire en vert ?
L’hydrogène pourrait devenir l’outil essentiel du futur. En 2019, le groupe français SNCF avait annoncé l’électrification des trains régionaux qui fonctionnent jusqu’à aujourd’hui au diesel.
Pour cela, la filière compte d’ici une quinzaine d’années privilégier l’usage de l’hydrogène vert, c’est-à-dire non-issu des produits pétroliers. Pour accompagner cette transition, le gouvernement a même prévu un investissement de deux milliards d’euros consacré au développement de ce vecteur d’énergie en France.
De son côté, le groupe français Alstom s’est déjà lancé dans la course en développant une pile à hydrogène pour alimenter le secteur ferroviaire. Les phases de test ont démarré en 2018 en Allemagne à bord des trains Coradia iLint. Ce train électrique est le premier au monde qui utilise une pile à hydrogène pour générer sa propre électricité.
Modes alternatifs : vélos et trottinettes, les grands gagnants
Le nombre de cyclistes ne cesse de croître, et ce, depuis la fin du confinement. Selon l’association Vélo et territoires, le trafic sur les pistes cyclables a augmenté d’environ 29 % en France par rapport à la même période de 2019. Cette tendance touche notamment les grandes agglomérations avec une croissance de 54 % mais également les villes de moins de 10 000 habitants qui ont enregistrées plus de 50 %. La tendance se confirme également à travers les ventes de VAE (vélos à assistance électrique).
Même constat pour les trottinettes électriques. Malgré les controverses qu’elles ont suscitées - notamment en termes de réglementation -, celles-ci se sont imposées comme leader de la catégorie des engins de déplacement personnel motorisés.
L’engouement pour la voiture électrique semble dans ce contexte se poursuivre. L’attrait pour l’électrique est également encouragé par des séries de mesures étatiques, dont la mise en place des primes à la conversion. 200 000 primes à la conversion électrique ou hybride de 7000 euros ont été distribuées en juillet 2020. Pour poursuivre cette direction, le gouvernement a même opté pour le prolongement de ce dispositif mais avec des conditions moins avantageuses depuis le 3 août : le montant de la prime sera limité à 5 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique ou hybride. Une aide de 1000 euros va par ailleurs être mise en place pour l’achat d’un véhicule électrique d’occasion, a annoncé le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, dans un entretien au Parisien/Aujourd’hui en France, le 12 octobre 2020.
Comparée à la voiture thermique (avec énergie fossile), l’électrique serait plus écologique même en prenant en compte les batteries et la production de l’électricité. D’après une étude menée par l’ADEME en partenariat avec France Nature Environnement, la voiture électrique émettrait entre 2 à 3 fois moins de CO2 qu’une voiture thermique pendant son cycle de vie.
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